Ma discipline, mes capacités de concentration et mon efficacité ont décidé de se séparer de ma personne quelque part pendant mes années collège. N’ayant eu aucune nouvelle depuis plus de dix ans, je me suis un peu résigné à vivre sans. Le problème c’est que pour être auteur, la discipline, c’est un peu un must. J’en connais bien deux ou trois qui arrivent à sortir douze bouquins par an sans que ça leur demande d’effort, mais pour la vaste majorité d’entre nous qui faisons partie du commun des mortels, n’en déplaise au Goncourt, c’est un peu chaud, quand même.
Du coup j’ai pris une page au livre de mes potes neuro divergents (et une expression à la langue de Shakespeare), et j’ai appris à duper mon propre cerveau.
Pour duper son cerveau, il faut :
- savoir ce qu’il aime
- savoir ce qu’il aime pas
- déterminer à quels moments et dans quelles circonstances il est le plus à même de faire des trucs
- combiner tout ça pour fabriquer un piège
- le démasquer
- se rappeler qu’on est pas dans un épisode de Scoobidou
- se demander comment épeler Scoobidou
- revenir à nos moutons
- enfin, à nos cerveaux.
Bref. Vous voyez le problème.
Dans mon cas et après de multiples expériences foireuses, périodes plus ou moins longue de passage à vide, de flemme et d’inefficacité totale, et l’écriture et la publication de quatre bouquins et une demie douzaine de nouvelles, je commence à avoir une vague idée de ce qui fait tourner la machine. Et donc, j’ai une idée théorique de ce qu’il faut que je mette en place pour optimiser mon efficacité et ma discipline.
(Je dis théorique et y a une bonne raison. Pour mettre en place les conditions optimales à sa propre motivation… faut commencer par trouver la motivation pour faire la mise en place. Vous me suivez ? C’est bien. Poursuivons.)
(Ce poste a failli être un thread twitter, vous êtes soulagéEs, hein ?)
Outre les trucs classiques (je bosse mieux le matin et le soir, dans un environnement propre et rangé, avec les choses que j’utilise le plus souvent à portée de main, celles susceptibles de me déconcentrer à l’autre bout de l’appart là où j’aurais la flemme d’aller les chercher, de l’eau et des snacks à profusion, des pauses longues mais limitées et en quantité suffisantes, sept à huit heures de sommeil par nuit, trois repas par jour, du sport régulièrement, bref, vous voyez le topo), j’ai tiré de ces dernières années une conclusion aussi utile qu’embarrassante :
Moi, mon grand kiffe dans la vie, voyez vous, c’est de colorier des petites cases.
Voilà, c’est dit.
J’ai la gratification facile.
Chaque fois que j’écris 400 mots je colorie une petite case et mon cerveau se dit « ouh trop bien ! On a plein de petites cases de couleur, maintenant ! Et toutes les petites cases sont une représentation visuelle de nos efforts et de notre travail ! Chouette chouette chouette ! On recommence ? ».
En termes plus simples :
Coco est content. Coco veut un biscuit.
Coco le Perroquet, Tintin et Les Bijoux de la Castafiore (je crois)
Inutile de vous dire que je déchire le NaNoWriMo. Sérieusement, là j’ai carrément un GRAPHE ! Je peux le voir MONTER ! Y a même un POURCENTAGE !
J’ai optimisé le truc jusqu’au bout pour Babylone, mon méga projet de SF : j’ai fait un scène à scène dans quatre pages de tableur excel. Les scènes sont littéralement dans des cases. Que je peux donc colorier une fois qu’elles sont écrites. Je vous dis pas les taux de sérotonine.
(Update : on est le 2 août et j’ai tellement dévié du plan que le tableur excel est devenu plus ou moins obsolète mais c’est pas grave.)
Histoire de pousser le vice jusqu’au bout je me suis même collé des « Objectifs de Projet » totaux et journaliers dans scrivener, et là c’est le kiffe total : Y A DES BARRES DE PROGRESSION QUI SE REMPLISSENT EN CHANGEANT DE COULEUR ! Je suis par terre, les gens !
Bref, pour rendre mon cerveau heureux et fonctionnel, j’ai besoin d’un tapis de souris sur lequel je peux gribouiller, de discord, et de petites cases à colorier chaque fois que je fais un truc.